Puissance de la terre

Puissance de la terre

Les blessures intérieures

A la base de toute vocation littéraire, il y a le plus souvent de profondes et anciennes blessures. L'auteur cherche à sublimer un moment douloureux de son existence par les mots. Est-ce qu'il y parvient? Je n'en suis pas sûr. Au moins trouve-t-il un exutoire ou un apaisement temporaire à ses souffrances intérieures.

 

Pour ma part, l'expérience qui m'a le plus profondément marqué, c'est l'internat, ce lieu où l'on se sent abandonné de tous, de ses parents surtout, et où l'on comprend mieux la petite réplique de Huis-clos: "L'enfer, c'est les autres". J'ai moi-même été interne et plus rien dans ma vie n'a été comme avant. Que dire de plus? Des années après, je me sens le besoin de prendre une revanche sur ce que j'ai subi.

 

Je place ici un extrait qui fait le fond de mon roman (Puissance de la terre) et où j'ai essayé de retranscrire avec le plus de justesse possible ce que peuvent être les rapports entre adolescents, quand ils sont livrés à eux-mêmes.

 

 

Nous entendîmes la voix du Sam qui approchait. Raffy planqua sa console dans le tiroir de son bureau.

-... Et voilà ta piaule. Tu vois, c'est bien cool, bien tranquillos. C'est un peu comme si t 'étais chez toi, quoi.

Une main sur son épaule, le pion nous amenait un mec assez petit, aux cheveux noirs. Il était dans notre classe et je me rappelais l'avoir vu au self en train de draguer une fille de l'internat.

Il portait un jean ample, avait en main un gros sac de marque.

-... Tes deux potes.

Il écouta à peine les règles de fonctionnement que le Sam lui expliquait avec des « OK ?... Ouais ?... Ça roule ? ». Dès que ce dernier l'eut lâché, il considéra les deux lits superposés, qui étaient restés libres, puis le petit coin que j'avais aménagé.

-C'est qui ici ? C'est toi ?... Ça te fait rien si je prends ta place ?

Je lui répondis sans trop réfléchir que je m'en foutais.

-Cool.

J'enlevai mes draps, vidai mon armoire et transférai mes bouquins. Il posa son gros sac sur mon lit.

-La nouvelle Game Box ! s'exclama-t-il en voyant Raffy la ressortir de son tiroir. Ça fait longtemps que tu l'as ?

-Je l'ai acheté ce week-end.

-Et t'as quoi comme jeux ?

-Pour l'instant, j'ai que Bricamix et Little Pepito, mais je vais en acheter d'autres.

-Tu me fais essayer ?

-Si tu veux...

Le nouveau venu s'empara de l'appareil en passant la langue sur ses lèvres, s'assit sur son bureau. Il y allait un peu fort, ce que lui fit remarquer Raffy avant de reprendre la Game Box.

Il se mit à siffloter tout en tapotant sur ses genoux. Il me regardait.

-En fait, t'es vachement concentré, toi. Qu'est-ce que tu fais ? Tu révises pour le DS de demain ?

-Ouais.

-Tu dois être balèze en histoire, non ?

Je préférai affirmer le contraire ; j'avais peur d'avoir l'air con si je me tapais une mauvaise note. Et puis, je n'étais vraiment pas sûr d'être « balèze ».

J'essayai la Game Box après manger. Avec moi, les trois vies de Little Pepito furent de courte durée. Le petit bonhomme tomba deux fois à l'eau et fut gobé, pour finir, par une plante carnivore. « Game over ». Il me fallut rendre la console, mais je ne pensais qu'à la reprendre.

Nous nous mîmes bientôt au lit. Je regrettais d'avoir changé de place. Le lit superposé, au-dessus de moi, me faisait de l'ombre et je ne pouvais lire avant de m'endormir comme j'aimais à le faire. Le pion vint nous demander d'éteindre. Dès qu'il fut parti, le nouveau alluma une petite lampe de bureau et se mit à feuilleter un magazine qu'il sortit de son gros sac. Allongé sur le ventre, il en fit claquer les pages quelques minutes avant de lever le nez.

-Au fait, vous êtes là pourquoi, vous ?

-C'est mes parents, répondit Raffy. Comme je foutais rien en troisième, ils m'ont inscrit ici pour que je bosse.

Je me souvins de sa mère, une femme blonde, bien mise, qui assaillait le CPE de questions en début d'année.

-Moi, au départ, je devais être externe, nous confia le nouveau, mais avec ma mère, on arrêtait pas de s'engueuler. Elle m'a fait : « Ouais, y'en a marre, tu veux jamais rien faire, tu prends cette baraque pour un hôtel. Si t'es pas content, t'as qu'à te barrer à l'internat ! » J'ai fait : « Pas de problème. Au moins, t'arrêteras de me faire chier ».

Il se tourna vers moi.

-Et toi ?

-J'habite trop loin. Je peux pas rentrer chez moi tous les soirs.

-T'habites où ?

Le nom de « Fondine » le fit rire.

 

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Vous trouverez le roman dans son intégralité, en format e-book - et il est gratuit! - en cliquant sur le lien suivant: Puissance de la terre.

 

 

En voici une petite présentation:

 

       Sylvain Fargier redouble sa seconde. Comme il en a plus qu'assez de servir de souffre-douleur à ses camarades, il décide de laisser ses études en plan. Il travaillera dans la petite ferme de ses parents, au milieu de nulle part. Mais ces derniers ne l'entendent pas de cette oreille et parviennent finalement à le ramener à la raison. De retour en cours et à l'internat, plein d'appréhension, notre adolescent ne rencontre pas les moqueries auxquelles il s'attendait: ses camarades sont intrigués par un nouveau venu d'une taille impressionnante, qui ne parle jamais à personne en dehors de deux amis et n'est pas sans accointances avec les voyous des quartiers alentour.  Sera-t-il le héros tant attendu qui vengera Sylvain de toutes les humiliations subies et permettra aux gens des campagnes de prendre une revanche éclatante sur le développement inexorable des villes ? Ou est-il aussi dangereux que les hommes qu'il côtoie ? Sylvain ne sait trop qu'en penser. Toujours est-il que les bagarres, les casses, les combats clandestins se succèdent et lui font oublier quelque temps un quotidien bien morne.

 



01/06/2015
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